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Poèmes lumineux

Ode à la lumière

L'étreinte solaire de Grèce
A laissé sa marque dorée
Sur ma peau, comme la caresse
D'un amant au brûlant toucher.

Sur le marbre blanc, la lumière
- Qui, de l'azur, s'est déversée -
A, vers moi, jailli réfractée,
Chargée de clarté lapidaire.

J'en suis hâlée sur tout le corps,
De l'avoir bu par tous les pores,
Le soleil grec ; j'en garde encore
Comme une aura pailletée d'or.

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Agape

Je ne sais quel nom donner
A cet éclat intérieur
Qui illumine mon cœur
Quand je suis à tes côtés.

Amitié semble bien fade
Pour justement qualifier
Cette lumière en cascade
Dont mon cœur a débordé
Et qui ruisselle au dehors,
Me baignant d'un halo d'or.

Amour est bien trop chargé,
Et de possessivité,
Et de sexualité,
Pour cet émoi y enclore
Sans un pénible inconfort
Menaçant de l'asphyxier.

Et tendresse est trop tranquille,
Quand cette émotion rutile
Comme de l'or en fusion
Qui, à chaque pulsation,
S'étend, se répand, fébrile.

De même pour affection,
Qui est terne, sans passion,
Bien loin du charme subtil,
Pur, de cette sensation.
Ce sentiment indocile...

...Il faut peut-être emprunter
A un langage oublié
Si l'on veut le capturer :
J'ai, pour toi, de l'agape.

 

Pour Joël

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Longtemps, je me suis sentie,

Tel le vase de Sully,

Secrètement morcelée,

Fêlée, prête à me briser.

 

Comme un cristal ébréché

De brisures ramifiées,

J’étais clairement prégnante

De finitude imminente.

 

Mais quand le verre, figé,

Ne peut que se fracturer,

L’humain vivant, organique,

Guérit de manière unique :

 

La cassure est apparente

- Je suis à jamais marquée,

De tristesse scarifiée -

 

Mais la fleur est résiliente,

Au creux du vase abîmé

De mon cœur

                      - et chatoyante !

 

En hommage à René-François Sully Prudhomme

Pour son poème Le vase brisé

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Kintsugi*

 

Ta chaleur s’est insinuée

Partout au creux de mon corps ;

Assoiffée de réconfort,

Je m’y suis lovée, noyée,

Je l’ai bue par tous mes pores,

L’ai laissée me colmater,

Comme une coupe fêlée

Qu’on répare avec de l’or.

 

Les stigmates infligés

Par le passé sur ma peau

Ont été transfigurés :

Chaque marque de couteau

A été cautérisée,

S’est mise à étinceler ;

Mon corps, mon cœur sont veinés

De tatouages dorés.

 

Toutes mes vieilles blessures,

Par tes mains redessinées,

Refondues et ciselées,

Sont devenues des parures :

Regarde-moi les porter

Avec superbe et fierté !

 

Pour Johann

 

*Le kintsugi (金継ぎ) (japonais: « jointure en or ») est une méthode japonaise de réparation des porcelaines ou céramiques brisées au moyen de laque saupoudrée de poudre d'or

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Longtemps j’ai été similaire

A l’albatros de Baudelaire,

Boitant quand je voulais marcher

- Et ne sachant pas voler.

 

Tel le cygne de Mallarmé,

De tout mon être j’ai lutté

- Mais la glace, implacablement,

M’a encerclée, capturée.

 

J’ai été un temps colibri*,

Tentant d’éteindre un incendie

De quelques gouttes de pluie…

 

J’ignorais que tous ces oiseaux

N’étaient qu’autant de costumes,

Que la vraie couleur de mes plumes

Miroitait comme un joyau :

 

A présent, phénix révélé,

Mes ailes grandes déployées,

Je vais laisser dans l’Ether,

 

Après moi, comme une trainée

D’étoile, un chemin de lumière

- Que tu pourras emprunter.

 

Pour Johann

 

*Légende amérindienne : un colibri tente d'éteindre l'incendie de la forêt à l'aide de l'eau qu'il peut transporter dans son bec, aux animaux qui se moquent de lui il répond : je fais ma part

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Kampai

 

La senteur des fleurs de prunier,

Le vermeil des feuilles d’érables [1] ;

Toutes les choses agréables

Ne font jamais que passer.

 

Ici-bas la seule constance

Est celle de l’impermanence [2].

 

Mais les grenouilles [3], chaque année,

Reviennent à la nuit tombée,

Quand tout s’apaise, chanter ;

 

Ainsi font les petits bonheurs,

Et, si l’on garde sa candeur,

On peut les collectionner.

 

Ici-bas la seule constance

Est celle de l’impermanence.

 

Quand se dissipe la tourmente,

Quand l’onde est à nouveau dormante,

Reparaît le reflet flottant

De la lune sur l’étang [4].

 

Ici-bas la seule constance

Est celle de l’impermanence.

 

Le cours du temps, irrémédiable,

Transforme le monde et les gens :

Goûtons les feuilles d’érables

 

En robe de feu tout autant 

Qu’en leur vieillesse desséchée

Et crissante sous nos pieds.

 

Ici-bas la seule constance

Est celle de l’impermanence ;

Contemplons l’instant passager

Avec un bol de saké [5].

 

Après 2 documentaires sur Bashô

 

[1] Fleurs de pruniers et feuilles d’érables : traditionnellement utilisés dans les haikus pour évoquer l’éphémère

[2] Bouddhisme : la vacuité, l’impermanence des choses est une des idées centrales

[3] En japonais kaeru, la grenouille, se prononce comme kaeru, revenir, d’où la croyance que la grenouille porte bonheur car elle fait « revenir » le bonheur

[4] Bouddhisme : l’image de l’esprit comme une surface d’eau et les pensées comme des vagues perturbatrices qui empêchent d’accéder à l’essence réelle de l’être (l’eau calme) + l’idée que le monde réel est inconnaissable sans passer par un processus d’Eveil et qu’on en perçoit qu’un reflet déformé

[5] Activité typiquement japonaise (Epoque Heian) : contempler le jardin en buvant du saké

 

 

 

 

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